Mr. Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères et du développement international
Mr Laurent Fabius’s speech
12. 70e Assemblée générale des Nations unies - Lancement du mécanisme de facilitation des technologies organisé par la France et le Brésil - Discours de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international (New York, 26/09/2015)
Monsieur le vice-Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je suis extrêmement heureux de participer aujourd'hui avec vous, avec notamment mon homologue et ami brésilien au lancement de ce mécanisme de facilitation des technologies.
Ce mécanisme, il vise quoi ? Il a pour objectif de promouvoir la science, la technologie et l'innovation, pour aider, comme cela a été excellemment dit, à la réalisation des Objectifs du développement durable. Et c'est le résultat d'une négociation qui a été menée depuis la Conférence des Nations unies dite «Rio+20», donc cela remonte assez loin. Et je suis heureux que nous ayons pu trouver ensemble une solution, parce que le sujet est très important et il est en même temps très délicat.
Pour parvenir à ce résultat, dont j'espère comme toi Jan, qu'il sera fructueux, le Brésil et la France ont travaillé conjointement lors des négociations menées dans le cadre de la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement. Et c'est un exemple réussi de coopération dépassant d'une certaine manière le clivage Nord-Sud. Il est vrai que nous avions déjà coopéré il y a quelques années lorsque nous avions ensemble lancé la mobilisation internationale pour les sources innovantes de financement du développement. À l'époque, il s'agissait d'instaurer des taxes internationales alimentées par les activités bénéficiant de la mondialisation. Aujourd'hui, cette idée qui était utopique est devenue une réalité, même si elle est encore trop modeste. Et donc cela signifie que nous pouvons travailler ensemble et je veux saluer le travail accompli par nos amis brésiliens pour faire aboutir toutes ces négociations, et saluer aussi, j'en profite, l'engagement de nos amis brésiliens, dans les négociations climatiques, sur lesquelles je reviendrai pour conclure.
***
Chers Amis, l'accès de tous aux technologies à un prix abordable, c'est une condition essentielle du développement, et a fortiori du développement durable. Je prends, par exemple l'Inde - que je salue ici. 400 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité. La première priorité, et le Premier ministre Modi le dit souvent, c'est de la leur fournir. Le gouvernement indien s'est lancé dans un défi considérable : installer, je crois, près de 200 Gigawatts d'énergies renouvelables supplémentaires d'ici 2022. Et il est clair que si l'on fournit l'électricité à 400 millions de personnes en puisant uniquement dans les réserves charbon, cela va poser des problèmes énormes, notamment en matière de santé publique. L'objectif du gouvernement indien, est donc d'augmenter régulièrement la part des énergies propres dans le mix énergétique, mains ce ne sera possible, que si les technologies correspondantes sont accessibles dans les conditions et à un prix qui rende la solution économiquement viable. Et il faudra également des ruptures technologiques dans certains domaines comme le stockage de l'énergie et la qualité des réseaux de transmission. J'ai pris cet exemple parce qu'évidemment, tout le monde l'a à l'esprit.
Tout le monde s'accorde sur le constat. Mais le problème c'est le passage à la pratique et l'accélération de l'accès des pays en développement aux technologies, ce qui suppose plusieurs avancées. J'en cite quelques-unes.
Premièrement, il nous faut faciliter la diffusion des technologies qui existent. Et nous sommes de ce point de vue-là face à deux défis : nous devons diminuer le coût et faciliter une production locale. Beaucoup citent souvent ce qui a été fait dans le domaine des médicaments contre le VIH. Vous savez, des mécanismes ont été mis en place - par exemple le «Medecines Patent Pool» d'Unitaid -, qui ne remettent pas en cause les droits de propriété intellectuelle et qui assurent la rémunération de l'innovation. Et ces dispositifs, incontestablement, facilitent pour les entreprises des pays en développement l'accès vers des contrats de licence qui leur permettent de produire localement. Et le problème, c'est que cet exemple, qui est intéressant, ne peut pas être reproduit facilement à l'identique dans les autres domaines. Mais nous devons garder à l'esprit que, dans certains cas, le coût du transfert empêche la technologie d'être compétitive sur le marché local. Et donc nous devons explorer les pistes qui existent pour remédier à ce problème.
Deuxièmement, il nous faut développer des applications de ces innovations qui soient adaptées aux pays en développement. Nous devons dépasser la configuration qui est trop souvent évoquée : les technologies sont inventées au Nord et elles sont transférées au Sud. Non seulement nous avons besoin de solutions adaptées aux contraintes et aux aspirations des pays où se situe l'essentiel de la demande : les pays en développement. Mais il faut aussi que nous trouvions des solutions qui tirent pleinement parti du potentiel d'innovation de ces pays. Et donc, il faut que nous inventions ensemble, pays du Nord et du Sud, une nouvelle génération de technologies. Là encore, nous avons des exemples positifs : par exemple la «révolution verte» dans le domaine de l'agriculture, mais il faut arriver à essayer de généraliser cela.
Enfin, il me semble indispensable d'accélérer la recherche et développement dans des domaines clés. J'évoquais à l'instant le stockage et le transport de l'énergie, mais beaucoup devra être également accompli en matière de nutrition, d'agriculture ou de santé.
***
Ce mécanisme de facilitation dont nous parlons, contribuera à des progrès dans ces différents domaines, je le pense, de plusieurs manières.
- D'abord, en mettant en place un groupe de travail sous la responsabilité des Nations unies qui va être chargé de mettre en relation tous les acteurs, pas seulement au sein du système de l'ONU, mais avec le secteur privé et la société civile. Il faut absolument que nous relions davantage le monde de la diplomatie et le monde économique.
- Deuxièmement, il faut créer une plateforme en ligne permettant de recenser les initiatives existantes dans le domaine de la science et de la technologie, et mettre à disposition de ceux qui en ont besoin les technologies qui sont libres de droits pour mettre en oeuvre le développement durable.
- Troisièmement, l'idée est d'organiser un forum annuel, et ce dès 2016.
Et, à travers ces exemples très concrets, il s'agit de mettre en réseau tous les acteurs pour déboucher sur de nouveaux partenariats concrets.
***
Je vais enfin ajouter un dernier mot sur les négociations climatiques, puisque, j'aurai à présider notre fameuse conférence de Paris. Cette réunion va se tenir à la fin de l'année en France. Elle doit permettre d'adopter ce qui serait, après Rio 1992, le premier accord universel sur le climat, mais cette fois qui inclue des engagements de la part de toutes les parties.
Les technologies sont évidemment au coeur des demandes des pays en développement. Lorsque je m'adresse à un responsable d'un pays en développement, il me dit «vous avez tout à fait raison M. Fabius, où sont les finances ? Où sont les technologies ?» Et c'est quand même absolument une clé. Il y a un mécanisme qui a un objectif similaire à celui que nous mettons en place aujourd'hui, mais avec un objectif plus ciblé. La demande reste forte. Certains pays souhaitent que le Fonds vert pour le climat puisse financer l'achat de licences par des pays en développement. D'autres demandent une assistance technique augmentée pour mieux diffuser les technologies. Nous travaillons depuis plusieurs mois, avec à la fois des États et des investisseurs privés, sur quelques pistes. Je vais vous citer :
- D'abord un engagement de tous les pays qui disposent de moyens de recherche, ou bien de moyens de financement pour soutenir des travaux de recherche dans d'autres pays, afin d'accroître leurs efforts en faveur de l'économie verte. Si par exemple, les pays du G20 pouvaient s'engager dans ce sens lors du sommet du mois de novembre en Turquie, évidemment ce serait un signal positif extrêmement important. Donc ça c'est l'augmentation des moyens des travaux de recherche.
- Deuxièmement, nous avons besoin d'un engagement voisin de grands investisseurs privés. Et je crois que, y compris dans cette semaine, il va y avoir des opérations assez spectaculaires de la part de grands investisseurs privés et c'est très bien.
- Enfin, il est important de lancer des partenariats internationaux dans des domaines clés. Par exemple, l'énergie solaire décentralisée à l'échelle de la commune ou du canton, enjeu majeur pour des centaines de millions de personnes, en Asie, en Afrique. Le stockage de l'énergie, qui est une condition si on veut déployer massivement les énergies renouvelables, l'irrigation, vers une agriculture moins consommatrice d'eau et d'énergie. Lancer ces partenariats internationaux est probablement un des points les plus importants. Les investissements viendront, et ils seront fructueux, à condition que nous mettions en place des projets qui soient structurés, inclusifs, centrés sur un problème précis, répondant à des besoins réels, appuyés sur une vraie stratégie de déploiement et tirant parti de la complémentarité de tous les talents pour faire baisser les coûts.
***
Voilà, Chers Amis ce que je voulais dire en quelques mots.
Nous croyons tous ici à la coopération internationale en matière de technologies. Nous sommes convaincus que ce mécanisme ouvert à l'ensemble des acteurs peut et doit constituer un outil utile. Maintenant, à nous de nous en saisir, de convaincre les entreprises et les chercheurs de s'en saisir pour qu'il aboutisse à des résultats tangibles et réponde, Chers Collègues, à la promesse de Rio. Merci beaucoup./.
12. 70e Assemblée générale des Nations unies - Lancement du mécanisme de facilitation des technologies organisé par la France et le Brésil - Discours de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international (New York, 26/09/2015)
Monsieur le vice-Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je suis extrêmement heureux de participer aujourd'hui avec vous, avec notamment mon homologue et ami brésilien au lancement de ce mécanisme de facilitation des technologies.
Ce mécanisme, il vise quoi ? Il a pour objectif de promouvoir la science, la technologie et l'innovation, pour aider, comme cela a été excellemment dit, à la réalisation des Objectifs du développement durable. Et c'est le résultat d'une négociation qui a été menée depuis la Conférence des Nations unies dite «Rio+20», donc cela remonte assez loin. Et je suis heureux que nous ayons pu trouver ensemble une solution, parce que le sujet est très important et il est en même temps très délicat.
Pour parvenir à ce résultat, dont j'espère comme toi Jan, qu'il sera fructueux, le Brésil et la France ont travaillé conjointement lors des négociations menées dans le cadre de la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement. Et c'est un exemple réussi de coopération dépassant d'une certaine manière le clivage Nord-Sud. Il est vrai que nous avions déjà coopéré il y a quelques années lorsque nous avions ensemble lancé la mobilisation internationale pour les sources innovantes de financement du développement. À l'époque, il s'agissait d'instaurer des taxes internationales alimentées par les activités bénéficiant de la mondialisation. Aujourd'hui, cette idée qui était utopique est devenue une réalité, même si elle est encore trop modeste. Et donc cela signifie que nous pouvons travailler ensemble et je veux saluer le travail accompli par nos amis brésiliens pour faire aboutir toutes ces négociations, et saluer aussi, j'en profite, l'engagement de nos amis brésiliens, dans les négociations climatiques, sur lesquelles je reviendrai pour conclure.
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Chers Amis, l'accès de tous aux technologies à un prix abordable, c'est une condition essentielle du développement, et a fortiori du développement durable. Je prends, par exemple l'Inde - que je salue ici. 400 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité. La première priorité, et le Premier ministre Modi le dit souvent, c'est de la leur fournir. Le gouvernement indien s'est lancé dans un défi considérable : installer, je crois, près de 200 Gigawatts d'énergies renouvelables supplémentaires d'ici 2022. Et il est clair que si l'on fournit l'électricité à 400 millions de personnes en puisant uniquement dans les réserves charbon, cela va poser des problèmes énormes, notamment en matière de santé publique. L'objectif du gouvernement indien, est donc d'augmenter régulièrement la part des énergies propres dans le mix énergétique, mains ce ne sera possible, que si les technologies correspondantes sont accessibles dans les conditions et à un prix qui rende la solution économiquement viable. Et il faudra également des ruptures technologiques dans certains domaines comme le stockage de l'énergie et la qualité des réseaux de transmission. J'ai pris cet exemple parce qu'évidemment, tout le monde l'a à l'esprit.
Tout le monde s'accorde sur le constat. Mais le problème c'est le passage à la pratique et l'accélération de l'accès des pays en développement aux technologies, ce qui suppose plusieurs avancées. J'en cite quelques-unes.
Premièrement, il nous faut faciliter la diffusion des technologies qui existent. Et nous sommes de ce point de vue-là face à deux défis : nous devons diminuer le coût et faciliter une production locale. Beaucoup citent souvent ce qui a été fait dans le domaine des médicaments contre le VIH. Vous savez, des mécanismes ont été mis en place - par exemple le «Medecines Patent Pool» d'Unitaid -, qui ne remettent pas en cause les droits de propriété intellectuelle et qui assurent la rémunération de l'innovation. Et ces dispositifs, incontestablement, facilitent pour les entreprises des pays en développement l'accès vers des contrats de licence qui leur permettent de produire localement. Et le problème, c'est que cet exemple, qui est intéressant, ne peut pas être reproduit facilement à l'identique dans les autres domaines. Mais nous devons garder à l'esprit que, dans certains cas, le coût du transfert empêche la technologie d'être compétitive sur le marché local. Et donc nous devons explorer les pistes qui existent pour remédier à ce problème.
Deuxièmement, il nous faut développer des applications de ces innovations qui soient adaptées aux pays en développement. Nous devons dépasser la configuration qui est trop souvent évoquée : les technologies sont inventées au Nord et elles sont transférées au Sud. Non seulement nous avons besoin de solutions adaptées aux contraintes et aux aspirations des pays où se situe l'essentiel de la demande : les pays en développement. Mais il faut aussi que nous trouvions des solutions qui tirent pleinement parti du potentiel d'innovation de ces pays. Et donc, il faut que nous inventions ensemble, pays du Nord et du Sud, une nouvelle génération de technologies. Là encore, nous avons des exemples positifs : par exemple la «révolution verte» dans le domaine de l'agriculture, mais il faut arriver à essayer de généraliser cela.
Enfin, il me semble indispensable d'accélérer la recherche et développement dans des domaines clés. J'évoquais à l'instant le stockage et le transport de l'énergie, mais beaucoup devra être également accompli en matière de nutrition, d'agriculture ou de santé.
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Ce mécanisme de facilitation dont nous parlons, contribuera à des progrès dans ces différents domaines, je le pense, de plusieurs manières.
- D'abord, en mettant en place un groupe de travail sous la responsabilité des Nations unies qui va être chargé de mettre en relation tous les acteurs, pas seulement au sein du système de l'ONU, mais avec le secteur privé et la société civile. Il faut absolument que nous relions davantage le monde de la diplomatie et le monde économique.
- Deuxièmement, il faut créer une plateforme en ligne permettant de recenser les initiatives existantes dans le domaine de la science et de la technologie, et mettre à disposition de ceux qui en ont besoin les technologies qui sont libres de droits pour mettre en oeuvre le développement durable.
- Troisièmement, l'idée est d'organiser un forum annuel, et ce dès 2016.
Et, à travers ces exemples très concrets, il s'agit de mettre en réseau tous les acteurs pour déboucher sur de nouveaux partenariats concrets.
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Je vais enfin ajouter un dernier mot sur les négociations climatiques, puisque, j'aurai à présider notre fameuse conférence de Paris. Cette réunion va se tenir à la fin de l'année en France. Elle doit permettre d'adopter ce qui serait, après Rio 1992, le premier accord universel sur le climat, mais cette fois qui inclue des engagements de la part de toutes les parties.
Les technologies sont évidemment au coeur des demandes des pays en développement. Lorsque je m'adresse à un responsable d'un pays en développement, il me dit «vous avez tout à fait raison M. Fabius, où sont les finances ? Où sont les technologies ?» Et c'est quand même absolument une clé. Il y a un mécanisme qui a un objectif similaire à celui que nous mettons en place aujourd'hui, mais avec un objectif plus ciblé. La demande reste forte. Certains pays souhaitent que le Fonds vert pour le climat puisse financer l'achat de licences par des pays en développement. D'autres demandent une assistance technique augmentée pour mieux diffuser les technologies. Nous travaillons depuis plusieurs mois, avec à la fois des États et des investisseurs privés, sur quelques pistes. Je vais vous citer :
- D'abord un engagement de tous les pays qui disposent de moyens de recherche, ou bien de moyens de financement pour soutenir des travaux de recherche dans d'autres pays, afin d'accroître leurs efforts en faveur de l'économie verte. Si par exemple, les pays du G20 pouvaient s'engager dans ce sens lors du sommet du mois de novembre en Turquie, évidemment ce serait un signal positif extrêmement important. Donc ça c'est l'augmentation des moyens des travaux de recherche.
- Deuxièmement, nous avons besoin d'un engagement voisin de grands investisseurs privés. Et je crois que, y compris dans cette semaine, il va y avoir des opérations assez spectaculaires de la part de grands investisseurs privés et c'est très bien.
- Enfin, il est important de lancer des partenariats internationaux dans des domaines clés. Par exemple, l'énergie solaire décentralisée à l'échelle de la commune ou du canton, enjeu majeur pour des centaines de millions de personnes, en Asie, en Afrique. Le stockage de l'énergie, qui est une condition si on veut déployer massivement les énergies renouvelables, l'irrigation, vers une agriculture moins consommatrice d'eau et d'énergie. Lancer ces partenariats internationaux est probablement un des points les plus importants. Les investissements viendront, et ils seront fructueux, à condition que nous mettions en place des projets qui soient structurés, inclusifs, centrés sur un problème précis, répondant à des besoins réels, appuyés sur une vraie stratégie de déploiement et tirant parti de la complémentarité de tous les talents pour faire baisser les coûts.
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Voilà, Chers Amis ce que je voulais dire en quelques mots.
Nous croyons tous ici à la coopération internationale en matière de technologies. Nous sommes convaincus que ce mécanisme ouvert à l'ensemble des acteurs peut et doit constituer un outil utile. Maintenant, à nous de nous en saisir, de convaincre les entreprises et les chercheurs de s'en saisir pour qu'il aboutisse à des résultats tangibles et réponde, Chers Collègues, à la promesse de Rio. Merci beaucoup./.